Presse, TV et Radio

France 3 Alpes journal 12/13 5 octobre 2017

Erratum

Dans l’interview improvisée reprise sur la vidéo ci-dessus, il fallait évidemment entendre que la Paix de Westphalie avait marqué la naissance de « l’Europe moderne » et non pas celle de l’Europe tout court …

 

Etape de Biviers « sur les pas des Huguenots »

27 septembre 2017

 

Bienvenue au château Servien qui a été récemment qualifié par l’historien régional Georges Salamand de fleuron éminent du patrimoine historique du Grésivaudan en raison du fait que le nom d’Abel Servien lui sera pour toujours attaché. Je suppose que beaucoup d’entre vous n’ont jamais entendu parler de ce personnage qui est, de mon point de vue, non seulement le plus grand des Biviérois, mais encore et surtout l’un des plus grands - sinon le plus grand - homme d’Etat d’origine dauphinoise.

D’abord deux mots sur le Grésivaudan qui est bordé, d’un côté par l’imposante chaîne de Belledonne la plupart du temps enneigée et, de l’autre, par les massifs de la Chartreuse, puis des Bauges qui font partie des Préalpes. Le Grenoblois Stendhal l’a célébré en ces termes :

C’est un pays magnifique autant qu’il est inconnu. Rien en France, du moins dans ce que j’ai vu jusqu’ici, ne peut être comparé à cette vallée de Grenoble à Montmélian.

Qualifié de Vallée aux cent châteaux, le Grésivaudan compte un grand nombre de maisons fortes dont certaines, telle le château Servien, ont été transformées en résidences d’agrément à partir de la Renaissance. Aucune étude sérieuse n’a encore été réalisée à ce jour sur l’origine et l’évolution de cette demeure avant le 16ème siècle et je souhaiterais que cette lacune soit comblée tôt ou tard par des personnes plus qualifiées que moi.

Vous aurez tout le loisir d’en faire le tour et vous observerez qu’il s’agit d’un bâtiment en équerre, comme il en existe un autre, non loin d’ici, qui est le château du Carre, près du village de La Terrasse. Comme ce dernier, le château Servien prend appui sur une imposante tour carrée que vous avez pu remarquer en entrant par la cour.

Par ailleurs, sa façade est encadrée par deux tourelles rondes. Des travaux de ravalement effectués au début des années soixante ont permis d’y mettre à jour des meurtrières. Leur présence - ainsi que l’épaisseur de tous les murs - témoignent à l’évidence du caractère défensif de l’ensemble du bâtiment dont le gros-œuvre remonte vraisemblablement au 13ème siècle.

Le château Servien a perdu son statut de maison forte sans doute vers la fin du 15ème siècle et a fait l’objet, depuis lors, d’importants travaux de confort qui lui ont donné progressivement sa physionomie actuelle. Je vous signale par ailleurs que le parc, qui est orné de quelques très beaux arbres, a été créé au tout début 19ème siècle.

Si Biviers compte trois châteaux - à savoir Servien, Montbives et Franquières - je précise que le château Servien était le siège de la seigneurie de Biviers, de sorte qu’il a été qualifié de « château de Biviers » jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Ce statut lui a valu le fait que les armoiries qui décorent le linteau de la porte d’entrée principale ont été martelées pendant la Révolution.

J’en reviens à Servien qui doit désormais trouver toute la place qu’il mérite dans le Panthéon des grands Hommes du 17ème siècle, comme le relève très justement Hélène Duccini dans une remarquable biographie intitulée Guerre et Paix dans la France du Grand Siècle - Abel Servien : Diplomate et serviteur de l’Etat, laquelle a été publiée en 2012 avec le soutien notamment de Louis-Marc Servien, de la commune de Biviers et du ministère de la Défense.

Voici brièvement résumée la très longue carrière de l’enfant de Biviers que fut Abel Servien, carrière qui l’a conduit au faîte du pouvoir et des honneurs dans un parcours sans faute :

1er novembre 1593 : Naissance au château de Biviers, alors dénommé « château Servien ».

De 1616 à 1624 : Procureur général au Parlement de Grenoble.

De 1624 à 1629 : Maître des requêtes à l’Hôtel du Roi, puis intendant de justice et police en Guyenne.

De 1630 à 1636 : Secrétaire d’Etat à la guerre et rencontre avec Mazarin avec lequel il se lie d’amitié et qu’il introduit après de Louis XIII et Richelieu.

De 1636 à 1643 : Période de disgrâce et d’exil en Anjou où il se marie.

De 1644 à 1648 : Servien est envoyé par Mazarin à Münster pour y négocier, puis signer les fameux Traités de Westphalie qui mettent fin à la guerre de Trente Ans.

De 1649 à 1653 : Principal anti-frondeur, Servien gouverne le royaume, en l’absence du cardinal, avec la régente Anne d’Autriche, son neveu Hugues de Lionne et son rival Michel Le Tellier (père de Louvois).

De 1653 à 1659 : Il est nommé surintendant des finances, fonction qu’il exerce conjointement avec Nicolas Fouquet, de 22 ans son cadet.

17 février 1659 : Servien décède au château de Meudon qu’il avait acheté en 1654 puis magnifiquement embelli, tout en se séparant du château Servien.

Quelques mots, pour terminer, sur la guerre de Trente Ans qui débuta en guerre de religion et ravagea surtout l’Allemagne actuelle, ainsi que l’Alsace et la Lorraine. Les deux traités de Westphalie - à savoir celui de Münster pour les catholiques et celui d’Osnabrück pour les protestants - y mirent fin le 24 octobre 1648. Ces traités devaient rester pendant un siècle et demi la charte de l’Europe et pourraient constituer encore de nos jours une précieuse source d’inspiration pour le règlement de certains conflits actuels. Je pense avant tout à ce qui se passe maintenant au Moyen-Orient et paraît devoir hélas durer encore très longtemps …

Je n’en dirai pas plus car je vous laisse le soin de regarder un excellent diaporama sur la guerre de Trente Ans et la paix de Westphalie. Il a été réalisé à l’initiative de la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères à l’occasion du 350ème anniversaire de la signature des traités de Westphalie. Si le nom de Servien n’y est pas mentionné, vous verrez apparaître son portrait lorsqu’il est fait état du début des négociations intervenu en 1644.

Très bonne visite au château Servien ! 

Augustin Jacquemont

 

Septembre2017

Article du magasine Mag'Ville et Villages du Grésivaudan

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Septembre 2021

Radio Grésivaudan

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Radio Grésivaudan : Emission du 7 septembre 2018 (« Les Oreilles en éventail »)
animée par Malika et annonçant l’ouverture à la visite du Château Servien à l’occasion des Journées du Patrimoine des 15 et 16 septembre.

Correctifs
- Le château Servien a été vendu par Abel Servien en 1655 non pas à Gonzague, mais à Antoine de Reynold.
- Alphonse Rallet s’en est porté acquéreur non pas en 1655, mais en 1854 …
- L’exposition à Meudon dont il est fait état à la fin de l’interview (Le château de Meudon au siècle de Louis XIV) est présentée au Musée d’Art et d’Histoire de Meudon, et non pas comme indiqué par erreur au château de Meudon qui n’existe plus.


7 septembre Radio Grésivaudan:
Chateau Servien.mp3
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Septembre 2018

TOUR DE FRANCE 2020 17EME ETAPE EN DIRECT DE BIVIERS LE 17 SEPTEMBRE

Septembre 2020

ARTICLES

Extraits d’un article publié dans le n° 206 (février - mars 2005) de la revue des Vieilles Maisons Françaises (numéro consacré au Dauphiné).

 

 

« Lieux de mémoire indissociables de leur environnement, les grandes demeures de la vallée de l’Isère - qui se compose, dans le département du même nom, du Grésivaudan proprement dit, de la cluse de Grenoble et du bas Grésivaudan - s’inscrivent pour la plupart sur un arrière-plan montagnard somptueux.

 

D’une quarantaine de kilomètres de longueur, le Grésivaudan constitue la partie la plus spectaculaire du Sillon alpin, profonde entaille d’orientation nord-est, sud-ouest séparant les Préalpes des Alpes centrales. Cette large vallée est bordée, sur sa rive droite, par le massif de la Chartreuse et, sur sa rive gauche, par la chaîne de Belledonne qui est le plus souvent enneigée.

 

Maintes fois reproduites, une citation de Stendhal, extraite des Mémoires d’un touriste, célèbre en ces termes le Grésivaudan :

 

« C’est un pays magnifique autant qu’il est inconnu. Rien en France, du moins dans ce que j’ai vu jusqu’ici, ne peut être comparé à cette vallée de Grenoble à Montmélian ...

Ce qui est admirable, c’est qu’elle a deux aspects absolument différents suivant qu’on se place sur les collines de la rive droite ou celles de la rive gauche ; à Montbonnot par exemple, rive droite, vous avez sous les yeux d’abord les plus belles verdures et les joies de l’été ; plus loin l’Isère, grande rivière, au-delà des collines boisées, et encore au-delà, à une hauteur immense et comme sur nos têtes, les Alpes, les Alpes sublimes passées par Hannibal et encore en partie couverte de neige le cinq août.

Le premier plan du paysage, vu de Domène, c’est l’Isère, qui semble ici plus encaissée ; puis des villages le long de la grand-route de la rive droite ; puis des vignes et au-dessus des vignes, d’immenses précipices : ce sont des rochers gris, escarpés, écorchés, presque à pic, qui semblent près de s’écrouler ... ».

 

Qu’ajouter de plus à ce commentaire, sinon ce propos de Louis XII qualifiant, en 1507, le Grésivaudan

de « plus beau jardin du tant beau pays de France » ! ...

La variété du patrimoine architectural de la vallée de l’Isère est à la mesure des contrastes offerts au regard de celui qui la découvre d’une grande demeure à l’autre, et de l’amont vers l’aval.
(...)

Le Château Servien, dit Serviantin, à Biviers, proche de Grenoble, est fort bien situé au pied de l’immense falaise du Saint-Eynard (1380 m). Cet élégant château, doté d’un parc romantique, a bénéficié, au fil des siècles, de divers aménagements qui en ont fait une agréable résidence. »

 eur des étés d’autrefois. Douceur tchékhovienne dont les arbres sont la musique et les étés finissants la nostalgie. Peut-être est-ce en cet exténuant XXème siècle que la demeure acquiert sa plus émouvante raison d’être… »

 

Extrait d’un article paru dans l’hebdomadaire Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné (31 juillet 1987) et intitulé Le château de Biviers, berceau de la diplomatie française.

 

 

« Dans le parc romantique où rêvent les statues, un Bacchus et une Vénus attribués au XVIIe siècle, dans les salons aux parquets marquetés nonchalamment ouverts sur la terrasse […], comme dans l’écrin d’un ravissant boudoir, règne la douceur des étés d’autrefois. Douceur tchékhovienne dont les arbres sont la musique et les étés finissants la nostalgie. Peut-être est-ce en cet exténuant XXème siècle que la demeure acquiert sa plus émouvante raison d’être… »

Régine Berthet


Magazine du Grésivaudan (Septembre 2015)


 Article du Bulletin de Biviers (Mai 2015)


Double article extrait de l'hebdomadaire "Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné" (8 et 15 septembre 2000)

 

 

Au service de L'Europe, le Dauphinois Abel Servien (1593-1659)

 

Première partie : Les années de formation

 

Il y a des jours où l’on se demande si notre cher Dauphiné n’est pas un peu à l’image du monstre biblique Léviathan qui, non content d’avaler ses enfants les plus talentueux, provoquait aussi toutes les éclipses en faisant disparaître l’astre de Chantecler.

Chercheriez-vous, aujourd’hui, dans un dictionnaire français usuel, le nom d’Abel Servien, ne serait-ce que modestement placé entre «service» et «serviette», que votre quête serait vaine. Alors que le succès l’aurait largement couronné si son objet avait été d’autres illustres diplomates européens qu’ils soient anglais comme Curzon, hongrois tel Szigligeti, ou prussien à l’image de l’inattendu Caprivi di Caprara di Montecucoli au patronyme si typiquement germanique.

«Mea infelix culpa !», puisque les historiens locaux sont également pour quelque chose dans ce trou de mémoire sélectif et collectif, car il est certes plus facile de tracer la biographie d’un quelconque quidam, inventeur d’une limonade purgative – l’un et l’autre forcément géniaux car dauphinois – que de se pencher sur l’extraordinaire destin de l’enfant de Biviers, en Grésivaudan, l’homme qui dirigea, négocia et rédigea les fameux traités de Westphalie (1644-1648), œuvre qui, aux dires du ministre Loménie de Brienne, étaient, tout simplement, «l’affaire la plus grande et la plus importante que ce siècle eût vu». 

Un devoir de mémoire

Aussi ne peut-on qu’applaudir à l’initiative d’Augustin Jacquemont, propriétaire du château Servien dit Serviantin à Biviers, lieu natal du grand homme, consistant à réparer ce scandaleux oubli en organisant, dans ces murs chargés d’histoire, avec la commune de Biviers et le concours dynamique et éclairé de l’historien de Meylan, Pascal Beyls, une exposition exceptionnelle sur la vie et l’œuvre d’Abel Servien.

Cette remarquable évocation sera présentée au public lors des prochaines journées européennes du patrimoine, les 16 et 17 septembre.

 

Associées à cette salutaire et originale œuvre de reconnaissance, voire de réhabilitation dans le cœur des Dauphinois « éclairés », Les Affiches ont largement contribué à la publication des cinquante pages d’une plaquette illustrée, due aux recherches et à la plume alerte d’A. Jacquemont qui a fait de la redécouverte de l’ombre de son prédécesseur, dans les recoins émouvants de ce site enchanté, un devoir moral de mémoire.

Et c’est en grande partie de ce document, « à conserver précieusement sur les rayons de votre bibliothèque », que nous allons extraire la substantifique moelle du propos de nos deux chroniques.

Il n’a qu’un œil, mais il est bon !

Né le 1er novembre 1593 au château Servien de Biviers, le jeune Abel, rejeton d’une vieille famille de bonne noblesse dauphinoise, entre dans la vie publique en 1616 comme procureur général au Parlement de Grenoble, pépinière de talents mais aussi forum où se brassent les idées et où s’expriment toutes les diversités intellectuelles de la province.

Participant en 1617 à l’assemblée des notables convoquée par le roi Louis XIII à Rouen, après l’échec des états généraux de 1614, Servien a tout pour se faire remarquer : le talent, les mérites, mais aussi la particularité physique d’être borgne de l’œil droit à la suite d’un accident « sportif ». Cette infirmité, qui lui vaudra de méchants quolibets de ses ennemis, en particulier durant la Fronde, fera en sorte que, devenu illustre et donc flatté, notre homme sera systématiquement représenté de profil et généralement de gauche.

Maître de requêtes à l’Hôtel du Roi en 1624, il est, avec l’appui du cardinal de Richelieu, nommé intendant de Bordeaux en 1628, avec « plain pouvoir, puissance autorité, commission et mandement spécial».

  N’ayant pas fait, dès son arrivée, vérifier sa commission de nomination par le parlement local, et ayant jugé souverainement les marins rochelais qui, lors du célèbre siège, avaient naufragé les navires de Sa majesté, Servien sera condamné par les magistrats de Bordeaux. Mais le roi en personne, cassera l’arrêt du parlement, prenant la défense du « meilleur de ses serviteurs », humiliant le premier président Gourgues.

Ses années de formation vont se poursuivre en Italie, tout d’abord comme diplomate à la cour de Turin pour y régler le conflit qui oppose la France à l’Espagne et à la Savoie au sujet de la succession vacante du duché de Mantoue. Cette guerre se terminera par les traités de Cherasco de 1631, négociés par Servien pour le roi... mais avec la médiation d’un envoyé pontifical, un certain Giulio Mazarini, que le Dauphinois, qui le considère (déjà) « comme le plus digne et le plus adroit ministre dont Sa Sainteté pouvait se servir», introduira auprès de l’omnipotent cardinal de Richelieu.

le «vrai» testament de Richelieu

Après quelques tergiversations au cours desquelles Servienmontre toute sa fermeté, Richelieu pourra exprimer, dans le « Mercure François», ce jugement tout à la gloire de son principal négociateur : «Aynsi s’est dissipé ce grand orage qui sembloit menacer toute la terre et faisoit mine d’enlever à la France ses lis, à Mantoue ses forteresses, à l’Italie ses franchises, à la noblesse française sa gloire, à toute l’Europe sa liberté. Aynsi sont venus et sortis les Allemands et les Espagnols de l’Italie, avec plus de honte que de profit... ».

« A toute l’Europe sa liberté». A contrario et dix-huit ans avant son parachèvement de Munster et des traités, la mission confiée par le grand cardinal à Servien est toute tracée.

Il ira jusqu’au bout.

(A suivre).

 

Georges Salamand

 


Au service de L'Europe, le Dauphinois Abel Servien (1593-1659)

 

Seconde partie : La gloire et le salut de la France

 

Le succès appelant les honneurs, voici l’enfant de Biviers promu, après Cherasco, au secrétariat d’Etat à la Guerre. Heureuse époque où les portefeuilles d’un ministère pouvaient se compter sur les doigts d’une seule main !

De plus, «honoré de toutes parts», le ministre Abel Servien est admis, le 13 mars 1634 à l’Académie française alors tout nouvellement créée et dont il est le premier élu. Heureuse époque où il n’était pas nécessaire d’être octogénaire pour siéger chez les Immortels !

Rien de bien nouveau sous le soleil, cependant, sur le terrain mouvant des intrigues, de la jalousie et des complots.

La réussite du Dauphinois donne des boutons à quelques grosses pointures du «parti dévot» et aussi, malheureusement, à quelques conseillers de Richelieu comme certains autres ministres ou comme le fameux capucin Joseph du Tremblay, dit «L’éminence grise», sorte de chef-barbouze de l’époque.

Servien prèfère prendre les devants et se donner à lui-même son congé.

Son exil, en Anjou, va durer sept ans et sera fertile en événements. Tout d’abord, son mariage avec une jeune veuve de vingt-six ans, Augustine Le Roux, qui lui apporte, dans sa corbeille, le titre de comte de La Roche des Aubiers, puis la fréquentation des poètes, comme Guez de Balzac, Ménage ou Chapelain, qui lui permettent de développer son goût inné pour la pratique des Belles-Lettres.

C’est en Anjou que Servien apprend la mort de Richelieu, puis celle du roi, et l’arrivée aux affaires de Mazarin.

Le grand ouvrage

La «prise de fonction» en France, à la tête du ministère et dans le cœur de la reine Anne d’Autriche, de l’ancien représentant du pape au traité de Chérasco concorde, en vérité, avec l’ouverture des négociations de Münster et d’Osnabrück en Westphalie, en vue de mettre fin au conflit qui dire depuis 1618.

 

  Il s’agit ni plus ni moins que de mener à bien le véritable premier congrès européen de la paix puisqu’il réunit des représentants de toutes les puissances du vieux continent à l’exception de l’Angleterre, de la Russie et de l’Empire ottoman. Inauguré le 10 avril 1644, le congrès de Münster, ville où se réunissent les représentants des puissances catholiques, sera marqué, du côté des plénipotentiaires français et au vu et au su de tous, par les incessantes querelles qui vont voir s’affronter les deux négociateurs du royaume, Servien et d’Avaux, que tout oppose.

Représentant du parti dévot et donc d’un rapprochement avec l’Espagne, d’Avauxn’a pas le souci de poursuivre la «real-politik» de Richelieu, laquelle, par une alliance objective et circonstancielle avec les princes protestants, vise à «briser l’enfermement» du royaume dans la tenaille des Habsbourg.

Au contraire, Servien, fidèle à cette ligne proche de celle de Mazarin et parfaitement tenu au courant par son neveu, Hugues de Lionne, secrétaire du cardinal, gardera, seul, les pleins pouvoirs pour poursuivre et terminer les négociations du traité qui ne sera, en définitive, ratifié que le 18 février 1649 alors que la France est déchirée depuis plusieurs mois par les horreurs de la Fronde.

En conclusion de l’œuvre du Dauphinois, la lettre du 6 novembre 1648 de la reine Anne à Abel Servien est tout à la gloire de ce dernier, mais aussi tout à l’honneur de la souveraine qui y fait passer, sans ambages, le souci de l’intérêt de son pays d’adoption et de son fils avant ceux de sa propre famille et de sa dynastie d’origine.

Surintendant général des finances

Ministre d’Etat au plus fort de la Fronde, Servien gardera au sein d’un triumvirat exécutif aux côtés de Le Tellier et de Lionne, le cap de sa fidélité à la reine et au cardinal, malgré une longue disgrâce collective (1651-52).

 

 

De retour au ministère, le Dauphinois est nommé, le 8 février 1653, «co-surintendant» général des finances, une charge qui est la seule chose qu’il puisse partager sur ordre avec Fouquet, son cadet de vingt-deux ans, à qui tout l’oppose.

Mazarin, avec humour, décide alors que Servien, honnête et probe, se chargera des dépenses et que Fouquet, ambitieux et moralement plus élastique, s’occupera des recettes exclusivement. Le caractère entier de l’enfant de Biviers ne s’accommode pas, semble-t-il, de cette nouvelle disgrâce. Aussi, à soixante-deux ans passés, décide-t-il de prendre quelques distances avec la vie politique et les affaires publiques.

 

Le seigneur de Meudon

 

Sénéchal d’Anjou, baron de Meudon, marquis de Sablé et de Boisdauphin, Servien se consacre maintenant à l’embellissement de son château de Meudon. Pour cela, il se défait de tous ses biens en Dauphiné, entre autres, des terres et seigneurie de Biviers.

La dernière grande joie du diplomate dauphinois sera, en 1658, de marier sa fille Marie-Antoinette, largement dotée de près de 600 000 livres, à l’arrière-petit-fils impécunieux de Sully, futur duc de Sully et pair de France.

Le rêve le plus fou du grand serviteur de la couronne, de bonne mais modeste noblesse dauphinoise, venait de se concrétiser.

Le 17 février 1659, Abel Servien, surintendant général des finances, meurt en son château de Meudon.

Il laissait le souvenir d’un diplomate talentueux et rigoureux, d’un serviteur de l’État intègre : « l’un des plus intrépides défenseurs des intérêts du roi et de ceux de la France».

«Celuy dont le tombeau tient enfermé le corps

A possédé, dit-on grands biens et grands trésors.

Mais il est vrai, pourtant, et c’est la voix commune

Que son esprit était plus grand que sa fortune ».

 

 

Georges Salamand

 

 

 

 

 

Extrait d’un article d’Albert Hely, Membre titulaire de l’Académie delphinale. Publié dans le Bulletin de l’Académie delphinale 1922, p.162. 5ème série, T 13, 1er volume.

 

 

« Deux diplomates dauphinois au 17ème siècle : Abel Servien - Hugues de Lionne »

 

 

« Abel Servien naquit à Biviers le 1er novembre 1593 dans le château Servien dit Serviantin appartenant depuis longtemps à sa famille. Ce château existe encore. Restauré au 18ème siècle dans le style de l’époque, il a conservé de la construction primitive diverses parties dans ses dépendances et deux tours qui encadrent sa façade principale. … Ses ancêtres qui résidaient à La Sône dans le baillage de Saint-Marcellin faisaient partie du Conseil Delphinal et, lorsqu’en 1526, Jean Servien, seigneur de Biviers, vint siéger comme Conseiller au Parlement de Grenoble, « sa famille - dit Chorier - était considérée entre les plus nobles dans le lieu de son origine ».

Girard Servien, seigneur de Biviers et de Château-Perrin, reçu Conseiller au Parlement le 24 janvier 1554 et grand-père d’Abel, eut plusieurs fils dont l’aîné, Ennemond, trésorier général des finances, céda ses droits héréditaires à Antoine, l’un de ses frères, et se fixa à Paris. Antoine fut le père du futur ministre d’Etat ; il fut désigné sous Henri IV comme Procureur des Trois Ordres des Etats du Dauphiné, ce qui lui valut la qualité de Conseiller honoraire au Parlement de Grenoble. Il avait épousé par contrat du 2 juin 1582 Diane Bailly, fille d’un Conseiller au Parlement. Abel fut l’aîné de huit enfants qui se distinguèrent presque tous par des fonctions et des services utiles. » 

 

 

 

 

Précisions par Augustin Jacquemont :

-Cet article précise qu’Abel Servien est né le 1er novembre 1593 au « Château Servien » - comme cette construction était

alors dénommée (voir la carte du Grésivaudan et du Trièves en vue cavalière dessinée par Jean de Beins en 1619). 

 

 

Correctifs par Augustin Jacquemont :

-L’ensemble du gros œuvre (bâtiment en équerre, tourelles de façade et tour carrée) remonte à l’origine de la construction, laquelle était alors une maison-forte, comme en témoigne la présence de meurtrières récemment remises à jour. Devenu résidence d’agrément, le Château Servien a bénéficié, au fil des siècles, de divers aménagements de confort jusqu’au tout début du 19ème.

-Abel Servien était non pas l’aîné, mais le troisième enfant d’Antoine Servien, après François, évêque de Bayeux (né en 1588), et Isabeau, mère d’Hugues de Lionne (née en 1591). Abel Servien est né le 1er novembre 1593, comme mentionné sur deux portraits de son époque (gravure et peinture).